Architecture et cinéma sont deux arts qui ont constamment cherché à se nourrir mutuellement. L'un esquissant souvent pour l'autre un décor à valeur de second rôle. Ville fictive ou réelle, maison de carton-pâte ou signée par un maître de l'architecture moderne, l'histoire du cinéma comptabilise nombre de films cultes où le décor est un vecteur majeur de l'émotion, une garantie pour entrer dans le cercle très fermé des classiques du 7 ème Art. Chez Hitchcock, Antonioni ou Godard, les maisons sont au coeur de l'action. Peu importe leur catégorie, brutaliste ou moderniste, elles sont devenues des personnages à part entière. Focus sur les plus mythiques d'entre elles.

La Herold House, dans Les Diamants sont éternels de Guy Hamilton (1971)

Dans les James Bond, il n'y a pas que James qui affiche un charme indéniable. Tout au long de la saga, l'Agent 007 ce veinard a toujours profité de décors exceptionnels comme dans l'épisode "Les Diamants sont éternels" de Guy Hamilton, sorti en 1971 sur les écrans.

Pour resituer la scène : Sean Connery débarque dans cette immense et incroyable demeure (propriété du méchant, inévitablement) et affronte deux jeunes femmes plus que combatives dans un salon circulaire avec piscine et une vue incroyable sur le massif San Jacinto et la vallée de Coachella grâce à des murs amovibles. Ce bijou de l'architecture organique (les roches de la montagne s'invitent jusque dans la pièce en question) est signé John Lautner, architecte emblématique du paysage américain d'alors, qui inspirera d'autres réalisateurs comme un certain Alfred Hitchcock. Réelle, cette maison à la structure exceptionnelle pour l'époque fut construite en 1969 pour le décorateur d'intérieur Arthur Elrod.

La maison de verre de Paolo Soleri dans Zabriskie Point de Michelangelo Antonioni (1970)

Premier film outre-Atlantique pour l'italien Michelangelo Antonioni, "Zabriskie Point" a pour cadre un vrai fantasme de cinéaste : la vallée de la Mort en Californie. Pamphlet politique contre la société capitaliste des sixties, le film raconte la rébellion d'une jeunesse et la fuite d'un jeune couple qui se termine à Zabriskie Point dans cette fameuse maison avec vue imprenable sur le désert californien. Cette maison tout de verre vêtue est le fruit d'une commande du réalisateur italien à l'architecte Paolo Soleri, élève du fondateur de l'architecture moderniste Frank Lloyd Wright et initiateur du concept de l'arcologie (un concept architectural qui consiste à fusionner architecture et écologie). Sa feuille de route pour cette construction était simple : il devait s'inspirer de la  fameuse Vandamm House visible dans le "North by Northwest" ("La Mort aux trousses") d’Alfred Hitchcock. Dans un final d'un esthétisme fou, la construction hautement moderne et technologique vole en éclat sur la musique originale de Pink Floyd, symbolisant le désir des jeunes protagonistes de voir exploser la société de consommation.

La Vandamm House inspirée du travail de Frank Lloyd Wright dans La Morts aux trousses d'Alfred Hitchcock (1959)

Chef-d’œuvre parmi les chef-d’œuvres du maître du suspens, "La Morts aux trousses" a marqué tous les publics, du plus cinéphile au plus lambda. Scénario, jeu d'acteurs et décors, la cadence infernale de ce film d'espionnage prend fin au sommet du célèbre Mont Rushmore dans une maison... éphémère ! Le cinéaste Alfred Hitchcock désirait bâtir dans ce paysage grandiloquent, la maison du personnage Philip Vandamm (James Mason). Il souhaitait confier ce projet au plus célèbre des architectes américains Frank Lloyd Wright. Mais l'histoire en a décidé autrement : les deux hommes n'ont jamais réussi à s'entendre pour des histoires de cachet. Sous la pression de la Metro-Goldwyn-Mayer, qui ne souhait pas perdre plus d'argent dans l'affaire, Hitchcock dut se contenter d’un décor inspiré par l’architecte et de sa plus incroyable réalisation : la Fallingwater, une maison intégrée dans une cascade. Maison éphémère, la Vandamm House - que certains fans cherchent encore en visitant le Mont Rushmore - existe bel et bien à jamais dans les mémoires des plus grands cinéphiles.

The Sculptured House de Charles Deaton dans Woody et les robots de Woody Allen (1973)

The Sculptured House également connue sous le nom de Maison Sleeper a marqué le cinéma pour son apparition remarquée dans une comédie de science-fiction signée Woody Allen. Cette maison toute en courbe collait parfaitement au récit futuriste de ce film ovni dans la filmographie du cinéaste américain. Construite en 1963 par un architecte autodidacte Charles Deaton, elle retient l’attention pour sa forme elliptique largement inspirée par l’ère spatiale et la modernité en marche dans les intérieurs des années 70. Elle profite d’une vue remarquable sur les montagnes du Colorado.

The Sheats Goldstein de John Lautner dans The Big Lebowski de Joel et Ethan Coen (1998)

Véritable manifeste architectural construit à l’aube des année 60, cette bâtisse perchée sur les hauteurs de Beverly Hills était à l’image de son extravagant propriétaire Goldstein. En faisant appel à John Lautner, brillant disciple de Frank Lloyd Wright, le millionnaire a vu les choses en grand : ces deux mégalomanes rêvent ensemble d’une maison en accord avec la nature qui allie béton, verre et bois. Le tout Hollywood se pressera sous cette toiture hallucinante, qui abritera également de nombreuses scènes cultes comme dans "The Big Lebowski" de Joel et Ethan Coen.

Une maison à Malibu inspirée du brutalisme dans Nocturnal Animals de Tom Ford (2016)

Le dernier thriller romantique du cinéaste et styliste Tom Ford prend place dans une maison au charme glacial pour son style minimaliste recherché, une atmosphère qui colle à merveille à ce scénario. Pour cette ambiance aux allures de huit-clos, le chef décorateur Shane Valentino s'est inspiré de classiques du genre comme ceux signés David Lynch ou Wim Wenders. Le budget étant serré il a préféré une vraie maison plutôt qu'un décor. Située à Malibu, cette maison préfigure parfaitement, par sa froideur architecturale et son caractère luxueux, l'histoire et plus largement le couple formé par Amy Adams et Armie Hammer.

Une Vendita Villa Moscazzano dans Call Me By Your Name de Luca Guadagnino (2017)

Bien que récent, le "Call Me By Your Name" de Luca Guadagnino est très vite entré dans le classement des films aux maisons cultes. Douce réminiscence des années 80, l'histoire d'amour entre Elio, un jeune adolescent, et Oliver, un professeur, a pour cadre une superbe demeure du XVII ème siècle dans une Lombardie estivale et idyllique. Immense bibliothèque, fresques antiques, panneaux décoratifs, cuisine d'époque, grand jardin où farnienter sous les orangers, la sublime villa sert d'écrin poétique à ce film d'une rare sensibilité adapté du roman éponyme d’André Aciman.