Sur les marches bleu azur, le grand poisson coloré prend la pause. Tout comme le jeune couple qui a attendu son tour pour se photographier devant ce “picture point”, l’un des sites artistiques, éphémères ou permanents, où faire un selfie s’impose. C’est la vitalité, l’énergie et le dynamisme créatif de cette génération Z qui saisit lorsqu’on découvre Séoul. Et comme partout dans le monde, la jeunesse semble mener les affaires en accéléré.
La ville de Séoul est un parfait exemple des excès de l’époque. Si la génération précédente s’était laissée griser par les valeurs du luxe occidental, elle s’efface, ici plus qu’ailleurs, devant celle des 18/25 ans, formés à l’étranger et qui bousculent le mode de vie de la métropole technologique. En soignant leur look et leur image, selfiestick greffé à la main pour flatter leur narcissisme. S’ils se nourrissent des autres cultures, ces jeunes Coréens sont plus libres, plus délurés que leurs voisins asiatiques, ce qui, en terme de création, peut aussi se traduire par une totale improvisation, proche de l’expérience de laboratoire. C’est notamment vrai dans l’univers du design, où l’on ressent d’emblée la mixité des influences internationales et du flux artistique local. Mais ici, les tendances se bricolent souvent en mode survival. Trois cageots suffisent pour installer un bar qui n’en sera pas moins un lieu ultrabranché. Ceux qui donnent le ton ne boudent pour autant pas les vieux quartiers et les haltes populaires, leurs traditions – quitte à se déchausser pour pénétrer dans certaines échoppes –, le BBQ et la street food… Un mélange décalé et évident qui fait palpiter la cité.
D’autant qu’à Séoul naissent également des projets architecturaux spectaculaires, qui prouvent que la métropole tient son rang. En 2004, la fondation de l’omniprésent Samsung s’est offert les talents de Jean Nouvel, Mario Botta et Rem Koolhas pour dessiner les bâtiments du Leeum – Samsung Museum of Art in Seoul – qui ne passe pas inaperçu. Non moins ambitieux et tout aussi privé, le DDP (Dongdaemun Design Plaza), signé Zaha Hadid, a été inauguré l’an dernier. Ce projet d’envergure, implanté dans un quartier historique de la ville, se veut catalyseur d’idées et de technologies à explorer. Il propulse Séoul dans la cour des grands, à l’instar de ce que fut Beaubourg pour Paris. Après la visite du musée et des différents lieux d’expositions, comment ne pas se laisser entraîner dans le “design market” ouvert 24 heures sur 24 ? Ici, la cohabitation business et culture va de soi. Et finalement, comment résister à un raz-de-marée d’images et de créations qui traduit, jusque dans la rue, l’importance de l’art, moyen de communication, d’expression et de rébellion ? Pour toutes ces raisons, Séoul… on y court !
Par Catherine Deydier