Autodidacte proclamé, Philippe Starck est avant tout un dessinateur de génie, capable de transformer le moindre croquis en une fascinante réalité. Un don qu’on pourrait imaginer hérité de son père, illustre ingénieur aéronautique au coup de crayon aiguisé, mais qu’il a plus vraisemblablement acquis au fil de ses années d’études à l’école Camondo.

De Camondo à l’Elysée

Parmi ces projets estudiantins, celui d’une structure gonflable qu’il conçoit à l’aune de ses 20 ans attire déjà l’attention. Diplômé, il entre alors chez l’éminent Pierre Cardin en tant qu' éditeur de meubles avant de créer sa propre petite entreprise, en 1976. Avec l’humour et l’élégance pour maîtres-mots, il signe pour des éditeurs italiens prestigieux comme Driade, Kartell ou encore Cassina, des meubles aux lignes audacieuses, mêlant pragmatisme et esthétisme, à l’image du siège "Mister Bliss" et du fauteuil "Costes".

Mais ce n’est réellement qu’en 1982 que le grand public le découvre, Philippe Starck étant choisi par le Président François Mitterrand, sur recommandation de Jack Lang, alors ministre de la Culture, pour redécorer les appartements privés de l’Elysée. L’année suivante, il signera l'emblématiqu Café Costes puis enchaînera de nouveaux best-sellers avec notamment le fauteuil "Richard III" et la chaise "Lola Mundo". Énorme succès. Le “Starck Système” est lancé.

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Touche-à-tout et "embellisseur" du quotidien

Design industriel, architecture, décoration d’intérieur, mobilier urbain, électroménager, bureautique, luminaire, habillement, transports, et même alimentaires : les terrains de jeux de Philippe Starck se suivent et ne se ressemblent pas. L’homme signe aussi bien le presse-agrumes "Juicy Salif" (aujourd'hui exposé au Moma) que de la chaise style Louis XV "Ghost" pour Kartell, des éoliennes comme des bûches LeNotre, sans parler des yachts de luxe ou des box internet. Seule sa ligne directrice reste inchangée, ou presque : imaginer des objets beaux, utiles et accessibles au plus grand nombre, grâce à des coûts de production diminués et une qualité réévaluée.

Un concept de design démocratique en somme, qui a révolutionné de façon hautement lucrative une industrie jusqu’à présent essentiellement élitiste. C’est ainsi qu’il développe des meubles en plastique transparent, dont le célèbre fauteuil "Louis Ghost", le tabouret "Bubu 1er", une tapette à mouche "Dr Skud", des brosses à dents "Fluocaril" ou encore le casque "Zik" de Parrot. Le designer star va même jusqu’à gracieusement redessiner la sempiternelle carte Navigo. Écologiste convaincu, il est l’un des premiers à imaginer des concepts de voitures à hydrogène, de bateaux solaires ou encore d’éoliennes pour particuliers.

Calme, luxe & design déjanté

Exposée dans les plus grands musées de Paris à New-York en passant par Londres et Bâle, l’œuvre de Philippe Starck rayonne bien au delà des frontières de l’Hexagone. Et pour cause, dès les années 80, le parisien aux techniques de communication aiguisées s’empare de la déco d’hôtels et de restaurants mondains, comme le Manin à Tokyo, le Meurice à Paris ou le Royalton et le Paramount à New York. S’en suivront d'autres lieux cultes comme le Baron Vert à Osaka, le Mondrian à Los Angeles, le Royal Monceau Avenue Hoche. Plus récemment, c’est avec les hôtels Mama Shelter que Philippe Starck a noué une collaboration. En parallèle, il continue de cultiver un certain goût du scandale en signant notamment, à la fin des années 2000 la fameuse lampe "Gun", tout en développant la chaise "Victoria Ghost", les fauteuils "Masters" et "Ring" ou encore le Chevet "Buster Ghost".

Sa dernière réalisation en date a ouvert fin septembre dans la capitale. Dans le très chic XVI ème arrondissement, il a métamorphosé un ancien tri postal des années 70 en élégant hôtel de 59 chambres, Le Brach, un cinq étoiles de plus pour le groupe Evok Hôtels Collection. Un haut bâtiment en verre sur lequel se niche un insoupçonnable potager et une jolie vue sur Paris. Un nouvel espace polyvalent à l’image de ce designer aux mille et un talents.