On sait la dame radicale, curieuse et grande voyageuse, qui, tel un caméléon, s’inspire de ce qui l’entoure. “J’aime l’idée de stratification et de contamination, explique-t-elle. Au fil du temps et des expériences, je chine, je récupère et j’empile des objets qui finissent par se mettre en relation entre eux.” Cette boulimique de matières a le chic pour ressortir le tout au moment opportun, elle qui décore comme elle cuisine, avec les “ingrédients” à sa disposition. Sa priorité dans ce vaste espace de la Via Tortona, – un ancien quartier industriel milanais, aujourd’hui investi par les créateurs de mode – a été de refaire rapidement le toit qui avait brûlé. En métal, comme les structures du bâtiment qu’il a fallu consolider. “Le vide sous le toit s’est révélé très beau. J’ai voulu le laisser vivre et préserver l’aspect inachevé des murs bruts.”Si la lumière et l’air circulent librement, le bruit de la ville n’y pénètre pas. “C’est un endroit très léger, explique-t-elle encore. Tout y est apaisant, c’est un lieu extraordinaire pour se détacher du travail, pour lâcher prise dans la journée ou pour organiser des rendez-vous qui nécessitent une certaine confidentialité.”
Paola Navone qui adore la Méditerranée où elle file se ressourcer dès qu’elle le peut, s’est recréé un cocon très aquatique, façon “vacances à la ville” allant jusqu’à planter un “bidongarden”, pour laisser libre cours à la verdure dans le cadre urbain. Ici, les cailloux et galets de la terrasse entrent à l’intérieur de la maison et sont calibrés pour pouvoir marcher “avec des talons que je ne porte pas”, s’amuse-t- elle.
La belle terrasse et l’imposante mezzanine sont à l’image d’une scénographie qui colle à la peau du personnage sachant gérer et vivre la démesure. “L’esthétique de l’imperfection me passionne. On peut raccommoder les choses pour leur donner une seconde chance.” Du mur habillé de pots cassés “ramassés pendant deux ans dans différentes usines” à l’escalier du salon qui a été fabriqué, tel un totem africain, autour d’un arbre provenant d’une forêt qui appartient à sa famille et qui a été travaillé pour que chaque marche “soit dans la bonne direction”, Paola a joué la récupération, le low cost, les éléments détournés. “J’adore les accidents de parcours, l’inattendu, la poutre que l’on ne peut pas déplacer et autour de laquelle il faut tourner : cela stimule l’imagination.” Pour la première fois, assure-t-elle, dans cet espace entre “bidonville et Facteur Cheval” selon ses termes, “le scénario n’était pas écrit d’avance.”
Reportage par Daniel Rozensztroch
Texte par Catherine Deydier