A Paris, un studio complètement rénové en doux refuge coloré

Dès l’entrée, la signature singulière de Marianne Evennou se dévoile avec efficacité. La professionnelle aime pratiquer le pas de côté face aux traditionnelles règles décoratives. Casser tous les volumes n’est guère à son goût. Pour elle, il faut fractionner sans fermer pour que l’œil s’échappe selon son bon désir. Sa méthode consiste à « structurer pour créer différents paysages ». Premier paysage à contempler donc : une entrée volontairement sombre pour aller ensuite vers plus de lumière au fil de la découverte des autres pièces. Cet espace de passage d'une grande importance offre un condensé de la poésie des lieux. Un papier peint Ananbô est subtilement mis en valeur par le total look bleu des autres murs et plafond, un bleu profond signé Ressource. Côté rangement, un insoupçonnable placard à chaussures prend place derrière ce demi-mur de papier peint. Un espace initialement occupé par le coin cuisine-kitchenette, disparu pour créer quelques pas plus loin, une vraie cuisine...

La cuisine imaginée par l’architecte d’intérieur fait complètement fi des petites cuisines habituellement réservées aux petites surfaces. « J’ai tendance à penser que si vous traitez les lieux avec respect et considération, ils savent vous le rendre » confie-t-elle. Preuve avec cette ravissante cuisine inscrite dans un ingénieux angle, un agencement conçu pour isoler en douceur le coin cuisine du salon et de l’entrée. Une première verrière vient délimiter l’espace avec délicatesse et garantit une lumière naturelle. Une luminosité soutenue par un ton sur ton doux à souhait entre la crédence de zelliges (Mosaic Del Sur) et la teinte « Amande » (Ressource). Un sens exquis du détail émane de ce décor quasi céleste : les boutons de portes en fer battu (Emery&Cie) convoque une touche un brin rétro, renforcée par les encadrements noirs des fenêtres intérieures et extérieures.

Pour parfaire l'espace cuisine, Marianne Evennou a ajouté un petit coin repas avec un duo table et chaises (Maison Gatti) qui reprend avec brio les codes des terrasses parisiennes. Dans cette veine, on peut mentionner également la présence d’une rosace (Zangra) peinte dans la même couleur que les placards de cuisine. 

Optimisée au millimètre près, la cuisine décline ses indispensables avec sens de la discrétion. La hotte est cachée sous un meuble haut, le four et le lave-vaisselle dans des meubles bas tandis qu’une gaine électrique inesthétique est subtilement dissimulée par une porte de placard. Un subterfuge de l'architecte qui vise à créer une identité visuelle d’une efficacité redoutable pour cette charmante petite cuisine bleue.

Pour Marianne Evennou, les murs sont de véritables pages blanches en attente de récit à raconter. Les murs de la cuisine ont très naturellement pris l'apparence d'une toile sur laquelle esquisser formes et couleurs pour faire récit. Elle a donc préféré éviter la multiplication des meubles hauts dans cet espace en privilégiant dans un angle de la pièce, mis en lumière par la fenêtre à proximité, une série d’étagères bleues prévues pour accueillir une vaisselle à la frontière de l’œuvre d’art. Les céramiques de Catherine Madgelaine dénichées à la Galerie Peinture Fraîche s’exposent comme des tableaux qui viennent parfaire les lieux. Des lieux susceptibles de changer de décor en un clin d'oeil comme un paysage selon les aléas du temps...

Pour en finir avec ce sentiment de pièce unique à l’esprit estudiantin, l’architecte a imaginé un coin salon digne de ce nom. Un espace permis par la réduction de la surface de la salle de bains et plus précisément de la récupération du coin dressing.

Telle une boîte cernée d’un bleu céleste des murs au plafond, le nouveau salon s’articule autour de pièces aux accents artisanaux et voyageurs.  Une manière d’offrir un nouveau paysage à contempler aux habitants des lieux.

Une adorable banquette fait figure de pièce maîtresse. Judicieusement calée entre trois murs et couverte de coussins rayés et unis signés Caravane, elle se transforme en couchage d’appoint, encore une fois insoupçonnable à première vue.

Pour injecter plus de vie encore à ce décor, une table basse et des tabourets signés Anthony Cardew (Ailleurs Paris) viennent habiller le coin détente. Au sol, un tapis aux motifs et couleurs chatoyantes s'impose pour délimiter et renforcer le caractère refuge de l'espace. Côté murs, l’endroit affirme son caractère arty et cosy via une série de peintures de Claire Kito (Galerie Peinture Fraîche), illuminé par un trio d’appliques « Cone » (Atelier Areti).

Composée comme un refuge céleste, la pièce de vie convoque une palette de bleus hautement séduisants pour souligner la pluralité des espaces et donc des fonctions, tandis que les verrières rythment et structurent le parcours de ce studio devenu appartement de poche. Ainsi, Mariane Evennou a fermé en douceur le coin nuit, inexistant auparavant, par une fenêtre intérieure qui laisse filtrer la lumière du salon à la chambre. 

A noter également, l'ajout ingénieux d'un rangement en soubassement qui vient se fondre dans la partie blanche du mur bas. La professionnelle a pour coutume de glisser des rangements de ce type (tiroirs, boîtes, placards...) une façon pour elle de "dompter le chaos interne". Ranger avec sagesse est comme une thérapie vécue à domicile dans les espaces qu'elle imagine.

Surmonté d'une petite fenêtre intérieure qui laisse deviner la chambre, le rebord de ce placard devient une petite niche pratique pour exposer lectures et petite décoration.

Complètement créée lors de la rénovation, cette petite chambre a tout d'une grande, à commencer par un dressing finement aménagé qui reprend les mêmes codes couleurs que le salon mais de manière inversée pour suggérer plus de rythme. Un grand placard et quelques tiroirs jouent les encadrements parfaits pour un bureau aux dimensions modestes. Tablette suspendue pour écrire, images accrochées au mur pour s'inspirer et série d'étagères pour accueillir des lectures : ce coin travail convoque avec simplicité l'esprit Rive Gauche des lieux, celui des poètes et artistes qui, au milieu du siècle dernier, logeaient dans des petites chambres similaires.

L'adjectif petite n'est jamais perçu entre ces quatre murs comme un vilain mot, plutôt le formidable support d'un intérieur inspiré, un véritable nid, où les murs ont des histoires à raconter, les nuances employées de la sagesse ou de la fantaisie à transmettre.