Drôle de nom pour un drôle d’hôtel caché au cœur du Marais à Paris. Bambi Sloan, la décoratrice à l’origine du projet, n’a pas cogité très longtemps pour savoir ce qu’elle voulait faire de cet ancien hôtel sans saveur. Elle allait lui en donner. Une saveur inédite dans un Paris où les nouveaux hôtels cultivent avec élégance une ressemblance chic et décontractée à la fois. Le consensuel et Bambi Sloan n’ont jamais fait bon ménage. Et elle l’explique mieux que quiconque. « Jobo c’est la contraction de Jo pour Joséphine et Bo pour Bonaparte » nous explique la décoratrice attablée au salon de l’hôtel, qui déborde de clins d’œil à ce personnage historique. Pourquoi Joséphine de Beauharnais alias  Joséphine de Bonaparte quand tout le monde ne semble jurer que par la légèreté exquise de Marie-Antoinette ? « Joséphine est plus funky » lâche du tac-au-tac la décoratrice qui connaît par cœur son sujet, une avant-gardiste, férue de décoration et collectionneuse dans l’âme. Comme elle un peu...

Le style Directoire revu et corrigé par Bambi Sloan

Joséphine a eu le bon goût de vivre à une période chérie par Bambi Sloan. En politique, un entre-deux qui voit advenir la première République. En déco, une période qui a vu émerger un style d’une élégance folle, friand d’afficher les emblèmes révolutionnaires sur le mobilier, des clins d’œil à l’Antiquité ou des courbes discrètes qui s’allient à des lignes droites. Le style Directoire annonçait le style Empire et aujourd’hui l'hôtel de Jobo mêle tout ça dans un joyeux bazar coloré, décalé, dont la volonté première n’est pas de copier ce style historique mais de s’amuser avec ses codes. Mission remplie haut la main par Bambi Sloan.

Ce petit hôtel caché dans une cour du Marais – et construit sur les vestiges d’un ancien couvent du XVII ème siècle - semble aujourd’hui le lieu parfait pour une telle expérience, un voyage dans le temps pourtant bien actuel grâce aux touches rock injectées par la décoratrice. Le ton est donné dès la porte cochère : on y découvre un patio avec faux-gazon et une tente dans l’esprit de celles utilisées pour les campagnes napoléoniennes. Sauf que celle-ci se recouvre de fleurs roses pour évoquer une Joséphine amoureuse. Au rez-de-chaussée, la décoratrice a composé un ravissant méli-mélo d’inspirations, de couleurs et de matières. Au salon, Bambi Sloan a soigné tous les détails de ce repère très coquet et cosy. Au sol, une moquette imprimé panthère (Joséphine ayant importé en France le premier tapis imprimé panthère), sur celle-ci ont été ajoutées des fleurs en clin d’œil à la fameuse roseraie de son château de Malmaison. Aux murs, d’immenses miroirs vieillis laissant entrevoir les ravages du temps sur eux. Au plafond, des poutres rustiques ont été « pimpées » par une peinture pastel pour une note très aristocratique.

Des chambres chargées d'histoires

Bambi Sloan dose à merveille l’endroit : jamais trop sage, jamais totalement fantasque. Exactement comme les portraits qui trônent dans l’entrée de l’hôtel et au salon. Ceux d’une Joséphine De Beauharnais sage comme une image à laquelle elle a voulu ajouter une touche de fantaisie : une coupe de champagne à la main ou des lunettes de soleil sur le nez pour la transformer en rock star.

A l’étage, après avoir parcouru quelques couloirs biscornus aux papiers peints fantastiques pour les amoureux du genre, on découvre des chambres aux noms évocateurs : la Cocarde, la Folie Monceau et la Roses et Dentelles. Des écrins tour à tour féminin, révolutionnaire ou poétique. Chacune d’entre elles raconte une histoire, une Joséphine aussi. Le mobilier est directement inspiré du style Empire avec des jeux graphiques, des losanges, des armureries. Dans la Cocarde dont les fenêtres donnent, ironie du sort, sur l’Hôtel de Chavigny transformé en caserne de Pompiers par Napoléon, la moquette joue les trompe-l’œil en reprenant un parquet point de Hongrie. Bambi Sloan explique comment elle s'est racontée des histoires pour élaborer la décoration de cet hôtel. "Je regarde tout ce que je peux puis j'en fais ma cuisine. Je me libère de l'Histoire stricte et m'amuse avec cette atmosphère légère".

Cette légèreté apparente, invitée dans les moindres détails de ce refuge intimiste et feutrée-, transforme cette adresse en lieu à contre-temps. Exactement le désir de la décoratrice. L'hôtel de Jobo est une aventure. "Pourquoi vivre de la même façon que partout ?" lâche t-elle avec un sourire emprunt d'un pouvoir qui lui est cher, celui de déplaire.