Longtemps, seuls les amateurs de l’œuvre fondamentale de Le Corbusier avaient connaissance de cette adresse haut perchée de Boulogne-Billancourt, ayant pour voisin les courts de Roland Garros et le Parc des Princes. Architectes et designers y défilaient alors pour admirer le lieu et capter la pensée architecturale du maître des lieux. Nous étions aux alentours des années 70 et 80, l’appartement avait été confié à André Wogenscky, l’ex-chef d’atelier de Le Corbusier y avait installé son agence. Depuis, plus rien, mis à part quelques dégâts dus à des infiltrations d’eau et une mauvaise isolation dont l’architecte lui-même avait connaissance. Autrement dit : un sacré chantier pour la Fondation Le Corbusier (n’ayant pas d’héritiers, Le Corbusier souhaita qu’une institution publique conserve toutes ses archives). Aujourd'hui, après deux ans de chantier méticuleux, la Fondation réouvre les portes de cet extraordinaire duplex, espérant ainsi faire de nouveaux émules de l’œuvre de Corbu.

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L’œuvre la plus sentimentale de Corbu

Antoine Mercusot

De toutes les œuvres de l’architecte français le plus célèbre au monde, celle-ci apparaît d’entrée comme la plus sentimentale. « C’est un objet patrimonial très particulier puisque Le Corbusier y a vécu de 1934 à 1965 tout en y travaillant constamment » explique François Chatillon, architecte en chef des Monuments historiques, en charge de la  restauration avec Bénédicte Gandini, architecte à la Fondation Le Corbusier. Ce « logis céleste », comme son célèbre habitant aimait le définir, fut le témoin privilégié d'une oeuvre du XX ème siècle, l’objet d’un tas d’expérimentations. Des expériences qui sont ensuite venues construire l’histoire de l’architecture mondiale.

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Un immeuble classé au Patrimoine Mondial de l’Humanité

Antoine Mercuso

L’histoire de cet appartement sur deux étages acheté par Le Corbusier débute au pied de son immeuble tout aussi célèbre, l’immeuble Molitor. Situé rue Nungesser-et-Coli, il répond à une commande de la Société immobilière de Paris Parc des Princes, dans un quartier à l’époque en plein développement. A l'aube des années 30, c’est dans ce quartier neuf que Le Corbusier rêve d’édifier les prémices de sa fameuse « ville radieuse », une ville verte où l’espace réservé aux piétons sera libéré des voitures et le soleil circulera librement dans les habitations. Cet immeuble d’habitation à façades entièrement vitrées - mené à bien avec son cousin Pierre Jeanneret - est une première au monde. Statut qui lui vaudra une entrée au Patrimoine Mondial de l’Humanité en 2016.

Si Le Corbusier et Yvonne sa femme emménagèrent ici dès 1934, les responsables du projet ont préféré se baser sur l’état d’origine du penthouse en 1964 – Le Corbusier décèdera un an plus tard. L’évidence étant pour eux de ne pas gommer le parcours artistique et visionnaire de cet habitat. Le rendre en l’état de 1964 aidait ainsi à rendre visible l’œuvre de Le Corbusier dans sa globalité, comme un dialogue permanent entre ce qui a été fait entre et hors de ces quatre murs.

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Un lieu de vie et de travail

Antoine Mercuso

En trois décennies, cet appartement fut le théâtre de multiples transformations et expérimentations architecturales. Le Corbusier y expérimente ses matériaux de prédilection comme le verre, le boix, l’alu tel un savant « fada » dans un laboratoire avec vue. Après avoir pris l’ascenseur et gravit les quelques marches de l’escalier de service, quand le visiteur pénètre dans l’antre du maître, il perd un peu ses repères chronologiques devant ses  240 m2, tant il y découvre un espace follement moderne pour son époque.

Une fois la porte d’entrée passée, à droite, l’atelier de l’architecte où il avait pour habitude de peindre prend des allures de chapelle avec sa jolie hauteur et sa voûte céleste. Trois éléments caractérisent l’espace de l’atelier : la grande voûte blanche , le pan de verre ouvrant sur l’est et le grand mur de moellons et de briques laissé apparent (à propos de ce mur, Le Corbusier écrira "la pierre peut nous parler, elle nous parle par le mur..."). Caché quelques pas plus loin, entièrement en bois et encerclé de multiples casiers, son bureau a valeur d'espace refuge, une tour d’ivoire pour créateur avec vue sur les champs, car à l’époque Boulogne-Billancourt n’était pas encore totalement sortie de terre. 

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Un grand espace de vie aux caratéristiques "corbuséennes"

Antoine Mercusot

De l’autre côté de l’appartement, une grande pièce de vie baignée de lumière se fractionne en plusieurs espaces dans une fluidité exemplaire. Aucune cloison, au sens traditionnel du terme, ne vient obturer les différentes pièces. Le coin salon avec les incontournables fauteuils grand confort du trio Le Corbusier - Pierre Jeanneret - Charlotte Perriand ; la cuisine réalisée par cette dernière ; l’espace salle à manger avec une immense table en marbre et enfin la chambre du couple, sorte de clou du spectacle de cette fonctionnalité menée à l’extrême. La salle à manger et la chambre sont ainsi bordées d’une impressionnante baie vitrée qui a été le support à toutes les passions de Corbu, le bois comme l’alu. Les deux pièces sont séparées par une impressionnante porte-placard-penderie.  

Vidéo du jour
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Une chambre pour deux ultra fonctionnelle

Antoine Mercusot

Si en architecture, il semble monnaie courante d’être épaté par de simples grands volumes, ici c’est l’inverse. C’est l’économie de l’espace qui fait le génie. La porte-placard, le lit surélevé à 1m40 pour profiter de l'incroyable vue offerte par les baies vitrées, la salle de bains intégrée dans un niche, sa baignoire sabot taille mini : le visiteur sera surpris par tous les détails minutieusement rénovés du lieu. 

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Un petit jardin perché en plein centre-ville

Antoine Mercusot

Enfin à l’étage supérieur, accessible par l’escalier de l’entrée, le visiteur découvre la petite folie supplémentaire du lieu : une chambre d’amis aux allures de mini studio, installée sous une voûte graphique, ouverte sur un petit jardin. Ce toit-jardin était cher à l’architecte qui n’imaginait pas sa ville moderne idéale sans ces espaces de verdure. Lierre grimpant, plantations au sol, banc en béton pour buller décorent cet espace en plein air : ce pari risqué fait écho à l’enfance suisse de l’architecte, ici il cultivera une forme de jardin sauvage.

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Un logis toujours "épatant"

Auteur inconnu

A travers ce duplex dont il n’a cessé de revoir le fonctionnement, seul ou accompagné de ses fidèles collaborateurs Charlotte Perriand et Pierre Jeanneret, Le Corbusier a installé les bases stratégiques de son architecture légendaire, les fondements de son urbanisme visionnaire qui se répercuteront dans ses différentes réalisations aux quatre coins de la France, de ses cités "gratte-ciel" à ses villas modernes. Grâce à cette rénovation, l’appartement de la rue Nungesser et Coli est aujourd’hui encore  « un logis épatant et magnifique » comme aimait le qualifier l'architecte lui-même.

24 Rue Nungesser et Coli, 75016 Paris

Ouvert le samedi de 10 h à 13 h et de 13h30 à 17h

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