Né en Californie en 1904, Isamu Noguchi est le fils d’un poète japonais et d’une écrivaine américaine. Il passe une partie de son enfance au Pays du Soleil Levant puis son adolescence au pays de l’Oncle Sam. Nourri par ces deux cultures aux antipodes, il reste cependant très fortement marqué par les premières années de son existence vécues au Japon notamment aux côtés de sa mère qui le poussera à emprunter un parcours artistique. Il se passionne très tôt pour la sculpture mais par sagesse entame des études de médecine. À la fin des années 20, il revient à sa première passion, l'art. « Mon père, Yone Noguchi, est Japonais et sa poésie est connue depuis longtemps comme étant la traduction de l’Orient pour l’Occident. J’aimerais faire de même pour la sculpture » écrit-il dans sa demande de bourse auprès de la fondation Guggenheim. Une fois cette bourse obtenue, le Vieux-Continent, alors en pleine effervescence créative, l'attend... 

C'est dans le Paris artistique de la fin des années 20 que l'artiste en herbe va apprendre les rudiments de la sculpture auprès de Constantin Brâncusi. Au contact du maître roumain, Noguchi découvre la beauté des formes épurées et abstraites, le tout dans une grande économie de moyen qu'il gardera à jamais en tête. Dans ce Paris, repaire de futurs grands artistes du XX ème siècle, il côtoie aussi Alberto Giacometti et Alexander Calder.

Infatigable, Noguchi parcourt le monde à la recherche de nouvelles sources d'inspiration. C'est ainsi qu'il découvre les céramiques japonaises, les subtilités de la peinture chinoise, la pureté des marbres italiens et qu'il s'inspire des beautés de la nature. Il étudie l’art du pinceau en Chine puis celui de l’argile au Japon auprès du maître potier Jinmatsu. Chaque artiste rencontré lors de cette décennie prolifique lui permettent d’expérimenter de nouvelles formes et matières qui serviront la moindre dimension de son art total.

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Noguchi, l'adepte du "tout est sculpture"

En 1932, Isamu Noguchi installe son atelier de sculpture à New York. Fort de tout ce savoir acquis au contact de multiples artistes, il songe à mettre ses nouvelles compétences au service des décors quotidiens. De faire entrer le beau dans les espaces de vie de chacun.

Coffee Table par Isamu Noguchi

Noguchi estime que les meubles aux formes organiques s'apparentent à des sculptures. C'est ainsi qu'il aborde la création d'une table à plateau de verre pour le directeur du musée d'Art moderne de New York en 1944. Le piètement de la Coffee Table est en bois, composé de deux éléments posés en angle droit. En 1944, il crée un canapé et son ottoman, le Freeform sofa. Sa forme évoque des galets délicatement posés sur des pieds fins.

À partir de 1947, il collabore à Herman Miller grâce à George Nelson, alors directeur artistique de la maison spécialisée dans l'aménagement de bureaux. En 1954, il conçoit la Dining Table, remarquable d'élégance et de légèreté. Des tiges chromées croisées soutiennent son plateau de verre. En 1957, la Prismatic table revisite avec délicatesse l'art ancestral de l'origami. Avec Noguchi, la subtilité remarquable de l'Orient entre dans les intérieurs occidentaux. La plupart de ses pièces seront distribuées par Vitra, la maison spécialisée en oeuvres cultes du design du XX ème siècle.

Dining Table par Isamu Noguchi

Les lampes Akari, les pièces cultes de Noguchi

Si sa Coffee Table n'a eu de cesse de gagner les intérieurs et de séduire les nouvelles générations, cette renommée mondiale, Noguchi la doit à une lampe en papier. Cet objet humble du quotidien aux matériaux naturels révèle toute la philosophie artistique du créateur vertueux pour qui tout est sculpture. En 1951, à l'occasion d'un voyage au Japon pour présenter les croquis de deux ponts destinés au Jardin de la Paix, Noguchi visite Gifu, ville célèbre pour sa fabrication d'ombrelle et de lampions en papier. Le maire de la ville le sollicite alors pour moderniser leur "chochin", leur lampion traditionnel.

Lampe Akari 25N par Isamu Noguchi

Séduit par la subtilité de la lumière émanant à travers le fameux papier washi et la souplesse du bambou employé, Nogushi se passionne pour ces luminaires emblématiques de cette région. "La magie du papier retransforme l'électricité froide en la lumière originelle – le soleil – afin que sa chaleur puisse continuer à remplir nos chambres la nuit" explique t-il. Il réalise les premières esquisses d’Akari Light Sculptures auxquelles succéderont dans les années à venir plus de 100 autres modèles, lampes de table, lampadaires ou plafonniers. Ce nom Akari n'est guère choisi au hasard, il désigne en japonais la clarté, tout en suggérant aussi une idée de légèreté.  

Une oeuvre éclectique et généreuse

Comme nombre de ses camarades artistes, Isamu Noguchi concevra son aventure créative comme une quête collective pour un meilleur monde. Naturellement affecté par les drames de son époque, notamment entre le Japon et les États-Unis, Noguchi sera victime de racisme dans les deux nations qui l’ont vu grandir. En 1941, suite à l’attaque de Pearl Harbor, l’artiste se fait volontairement interner à Poston en Arizona, l’un des plus importants camps de détention nippo-américain. Là-bas, il envisage d’améliorer les conditions de détention des prisonniers en proposant des projets de parc, activités artistiques et zone de loisirs. “Ainsi, je suis volontairement devenu une partie de l’humanité déracinée” disait-il au sujet de cette expérience fondatrice dans son parcours.  

Cette quête d’une humanité apaisée par les lignes bienfaitrices de la sculpture émerge de nombreux projets du maître de la lumière. Il créera avec la même ardeur et expertise des objets du quotidien comme des jardins dans le monde entier. C'est ainsi qu'il conçoit le jardin de l'UNESCO à Paris, un autre à New York pour IBM, un jardin d'enfants à Sapporo ou un pont au parc de la Paix à Hiroshima. Autre talent moins connu : Noguchi signera plusieurs décors et costumes, notamment pour la chorégraphe Martha Graham. L'artiste partagera sa vie entre New York et le Japon. On peut découvrir son œuvre à l’Isamu Noguchi Garden Museum à New York fondé en 1980 et au Isamu Noguchi Garden Museum Japan, dans la préfecture de Kagawa.