La chaise n°14 de Thonet, la star des bistrots et de nos intérieurs

chaise de bistrot 214 thonet dans salle à manger
Créée par l’ébéniste et industriel allemand Michael Thonet, la chaise n°14, plus communément connue aujourd'hui sous le nom de "chaise bistrot", fut le premier meuble produit en série de l'histoire du design. Parcours modèle d'un intemporel.

Vous l’avez sûrement déjà croisée. Vous vous y êtes peut-être même déjà assis.e, dans un café à coup sûr. Longtemps elle fut la star de ces lieux conviviaux teintés de nostalgie. Sous la vague vintage, l’emblème des cafés rétro est devenu une chaise d’intérieur très prisée. Avec affection, on la nomme « chaise bistrot » mais en vérité, dans le langage du design, elle se nomme « chaise n°14 ». Cette assise éditée par Thonet est devenue avec le succès « chaise N°214 », elle affiche 150 printemps et comptabilise plusieurs déclinaisons. Dans le jargon du design, on appelle ça un best-seller. Un meuble vu et revu qu’on ne cesse de chiner, décliner voire même copier. Comprenez : un indémodable...

La chaise n° 14, le premier meuble en série de l’histoire du design

L’histoire de ce best-seller commence dans les années 1850. Lorsque l’ébéniste d’origine rhénane Michael Thonet présente son « Consumsessel Nr. 14 » à Vienne en 1859, il est loin de se douter que cette chaise deviendra l'un des modèles les plus fabriqués de tous les temps. Il a pourtant inventé une assise qui fera date dans l’histoire du design puisqu’elle est considérée comme le premier meuble produit en série. Le design tout en courbes de cette chaise, de l’assise au dossier, est obtenu grâce à une nouvelle technique dont il est l’inventeur. Le cintrage du bois massif consiste à rendre de longues barres de bois élastiques sous l’effet de la vapeur et de la pression pour ensuite leur donner la forme souhaitée à l’aide d’un dispositif spécial et de force humaine.

Photo : production de la chaise culte n°14 de Thonet

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Cette technique de courbage du bois massif permet de produire des meubles en série et en grand nombre sur la base du principe de division du travail. Le meuble moderne est né. Follement esthétique, cette innovation permet aussi de faire de sérieuses économies sur la matière première, le bois, puisqu’elle limite les chutes et les découpes. Idem pour la main-d’œuvre, Michael Thonet sera aussi novateur dans ce domaine, puisqu’il va employer les paysans du coin et leur attribuer une tache précise chacun dans le processus de fabrication. Dès 1852, l’entreprise Thonet va déposer un brevet de cintrage du bois à la vapeur et lancer sa production en masse de la chaise n°14. 

Le succès d’une chaise dites « à trois sous »

Premier modèle industriel fabriqué en série, on la surnomme à l’époque « 3-Gulden-Stuhl » (chaise à 3 florins, comprenez aussi chaise à 3 sous) en raison de son style simple et surtout de son prix plus qu’abordable. Bien avant qu'un géant suédois visionnaire du nom d'IKEA révolutionne le meuble en kit dans la seconde moitié du XX ème siècle, cette petite entreprise allemande imagine ce meuble en kit précurseur, facilement exportable partout dans le monde et, par extension, facile à monter grâce à son principe "une idée, six éléments, deux écrous et dix vis". Thonet imagine même la livraison en kit avec une boîte d'un mètre cube qui peut contenir jusqu'à 36 chaises à monter, ce qui réduira drastiquement les coûts d'expédition. Toutes ces prouesses techniques et économiques annoncent la révolution industrielle et design en marche.

Photo : boîte de livraison de la chaise n°14 en kit

Sans surprise, cette chaise très bon marché aux caractéristiques révolutionnaires va rencontrer un succès fulgurant auprès d’un très large public. À l’origine, elle est née d'une commande d'Anna Daum qui souhaitait des chaises pratiques, résistantes et décoratives pour son café. Mais très vite, Thonet va recevoir de multiples et grandes commandes de clients prestigieux, notamment pour le Palais Liechtenstein et le Palais Schwarzenberg à Vienne. Mais c’est surtout grâce aux grands cafés d'Autriche qu’elle deviendra un véritable symbole. Vienne et ses environs, puis toute l’Europe contribuera à ce mythe d’une Belle Epoque marquée autant par les progrès techniques. La chaise emblématique se retrouve alors à jouer un rôle dans les décors de tableaux de grands maîtres impressionniste de l'époque comme dans les premiers films de Charlie Chaplin. Elle imprime ainsi l'imaginaire collectif depuis plus d'un siècle.

De nos jours encore, elle est considérée comme la chaise de bistrot par excellence. Plus de 50 millions de chaises d’origine ont été vendues, sans compter les innombrables copies. L'éditeur précise qu'il suffit d'un simple coup d'oeil pour savoir si l'on est en possession ou non d'un vrai modèle : sur le dessous de l’assise ou du cadre de l’assise de chaque chaise Thonet figure le logo de l’entreprise, qui est estampillé en creux sur les anciens modèles et marqué au fer rouge sur les modèles actuels.

Photo : chaise n°214 version cannée

Chaise chinée ou nouveau modèle, peu importe, la nouvelle génération continue de chérir son design dépouillé autant que sa réputation. Comme de nombreuses chaises cultes de l'histoire du design, elle a su se plier à l'évolution des désirs et des intérieurs : elle est disponible avec un dossier ouvert (n°214) ou dossier plein (version n°215) ainsi que sous forme de tabouret de bar (n°214 H). L’assise est proposée comme assise en auge faite de contreplaqué, en version capitonnée et revêtue de cuir ou de tissu ainsi qu’en version cannée. Le dossier est également canné ou revêtu de cuir ou de tissu. Des versions piles dans l'air du temps pour faire perdurer le charme d'une époque révolue mais bel et bien en avance sur son temps...

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