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Du cocon à la ruche

Dans les années 80, on parlait de "cocooning", la maison se transformant en un véritable cocon, rassurant et douillé où toute la famille se réfugiait pour se protéger des tumultes d'une société en pleine mutation (contre-choc pétrolier, diminution du pouvoir d'achat, augmentation des prix, etc.). La déco mettait alors en scène des pièces cosy à l'atmosphère feutrée et intimiste autour d'un canapé moelleux et confortable où il faisait bon régresser devant la télé.

Au XXIe siècle, le cocon confiné s'est transformé en une ruche plus ouverte. Cette tendance s'appelle le "Hiving" (ruche en anglais). La crise actuelle favorise le repli sur soi et en attendant des jours meilleurs, la maison est désormais une valeur refuge. Comme l'explique Gérard Laizé, directeur du VIA (Valorisation de l'innovation dans l'ameublement): "Dans ce contexte anxiogène, le réflexe est de se fermer dans son terrier. Aujourd'hui, on parle de Hiving mais l'idée reste la même. Cette tendance reflète également une cellule familiale de plus en plus déstructurée qui perd ses repères, d'où le retour au clan qui fait écho à l'essaim soudé autour de la ruche fédératrice et productrice". A la différence du cocooning, la ruche, elle, est connectée au monde et devient un lieu privilégié de rencontres et d'échanges à l'image de la célèbre Auberge espagnole.

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Une maison qui bourdonne

Les signes avant-coureurs de cette tendance furent le retour au tricot, aux loisirs créatifs et au bricolage. Désormais, on veut partager ses activités avec ses amis. Le concept des réunions Tupperware totalement has been revient en force. Les codes de réception hérités de la bourgeoisie du XIXe siècle où il fallait mettre les petits plats dans les grands disparaissent au profit de soirées "à la bonne franquette" où les convives sont assis sur des poufs à l'image du célèbre modèle Mah Jong signé Roche Bobois, autour de tables basses à l'esprit lounge.


Soirées sex toys, pyjama, jeux de société ou encore braderies où l'on s'échange vêtements et objets déco entre copines, tous les prétextes sont bons pour créer de l'échange et rester en contact avec le monde sans bouger de chez soi. La maison devient également un espace à moduler sans modération, selon les envies et les besoins de la famille. Les pièces communes s'émancipent. La déco mélange les styles et les influences culturels qui sont autant d'invitations au voyage et à l'évasion. L'individu est un auto-décorateur qui récrée dans sa ruche l'univers à son image. La maison bouge, bourdonne, autour des va-et-vient incessants de ses habitants et devient un véritable support de communication.

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Cuisine, salon, salle à manger tout en un !

Traditionnellement, chaque pièce, salon, salle à manger, cuisine... a une fonction bien définie et délimitée dans l'aménagement intérieur. Avec le Hiving, les pièces à vivre se décloisonnent pour laisser place à un seul et même espace qui centralise toutes les activités de la maison. Une sorte de plateforme multifonction résolument tournée vers l'autre qui renforce la cohésion et la complicité. Plus que jamais, le lien social est vital à l'individu qui ne veut pas vivre en autarcie, totalement coupé du monde.

Au contraire, il veut partager sa maison mais aussi tout y faire et pourquoi pas y travailler ! Les dîners se font de moins en moins en ville, mais dans le cadre rassurant et maîtrisé d'un intérieur au sein duquel famille et amis se retrouvent autour de cuisines ouvertes qui se mêlent au salon et à la salle à manger. Les concepteurs de cuisine, tels que Pérène, Mobalpa, Hygena ou encore Ikea, l'ont bien compris et proposent des modèles qui répondent à cette nouvelle façon de vivre et d'habiter. Les cuisines sont désormais intégrées dans la pièce à vivre afin de ne plus être isolé des convives qui peuvent participer à la préparation des repas ou aider à dresser la table tout en discutant.

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Cloison modulaire pour espace éphémère

Les murs tombent, c'est un fait. Pourtant, selon Bruno Lecour, décorateur et consultant Feng Shui à la tête de l'agence Areaki, "cette disparition des murs n'enlève pas pour autant la valeur symbolique de chaque pièce qui continue à s'exprimer inconsciemment dans l'aménagement des espaces". Même si les pièces à proprement parler disparaissent au profit d'un espace à vivre global. L'apparition des cloisons modulaires illustre parfaitement le besoin de maintenir ces limites symboliques. Appelés aussi "soft wall", ces subterfuges malins et ludiques qui se plient, s'escamotent, ou s'empilent à volonté, fleurissent chez tous les créateurs et permettent de créer selon les besoins un espace éphémère dans un intérieur décloisonné afin de préserver des "coins" où l'on peut s'isoler, aménager une chambre d'appoint, ou encore un espace bureau.

L'exemple de système Buzzispace imaginé par le designer belge Alain Berteau qui a reçu le prestigieux Design At Work-08 award à la biennale Intérieur 2008 de Courtrai, répond selon son concepteur à une demande de plus en plus croissante, notamment en milieu urbain où certes les espaces s'ouvrent, mais ne gagnent pas pour autant en mètre carré.

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Salle de bains sur chambre

Autre pièce touchée par le Hiving, la sacro-sainte salle de bains. Il n'y a pas si longtemps, elle demeurait un des derniers sanctuaires inviolés de la maison, réduite à une vocation hygiéniste et purement fonctionnel autour d'une déco réduite à ça plus simple expression. Aujourd'hui, la salle d'eau vit une véritable révolution culturelle. Elle devient bien plus que le lieu où l'on se lave, mais un espace à vivre à part entière, dédié au bien être, aux plaisirs des sens et à la relaxation où l'on s'attarde pendant des heures. Une zone de désir qui devient une extension de la chambre et tend même à s'ouvrir sur le salon. De leur côté, les designers se lâchent et conceptualisent des espaces totalement décomplexés des regards extérieurs.

Design, naturelle, orientale ou encore baroque, cette pièce se donne en spectacle et devient un faire-valoir qui donne le ton à la décoration intérieure. Philippe Starck, et plus récemment Patricia Urquiola, ont conçu pour Axor des espaces très "hive", qui se dévoilent aux autres pièces de la maison. Boffi bain est dans le même sillage et propose un aménagement tout en transparence très réussi. Enfin, Mobalpa conçoit des modules qui se mélangent discrètement à la chambre.

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Une ruche techno-écolo

Au-delà de l'émancipation des différents espaces qui constituent notre intérieur, le Hiving fait également écho à des valeurs profondément spirituelles et vertueuses. La ruche se doit d'être écologique, tant dans sa conception que dans sa décoration, en privilégiant des matériaux authentiques et simples tel que le bois ou le bambou très en vogue. Les habitants veulent être en harmonie avec la nature et réduire un maximum leur empreinte sur l'environnement. Mais c'est bien connu, le genre humain est pétri de paradoxes.

A cette dimension écocitoyenne qui renvoie aux valeurs d'antan, il se sert des avantages développés par les nouvelles technologies qui mettent au service du foyer toutes les dernières innovations en matière de domotique domestique. Utilisées pour faciliter, voire totalement automatiser la gestion de la maison, ces solutions permettent de réduire la consommation des énergies, d'améliorer la sécurité de la maison ou pourquoi pas d'alerter lorsqu'il n'y a plus de yaourts bio dans le frigo ou que la poubelle dédiée aux matières plastiques est pleine. Toutes les solutions  sont bonnes à prendre pour gagner du temps et privilégier les précieux moments passés avec les autres abeilles qui vivent au sein de la ruche, tout en restant connecté à celles qui butinent tout autour du monde sur la toile virtuelle du Net en quête d'un monde meilleur.

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